Les entreprises soignent leur e-reputation

Publié le par Sécurisons les réseaux sociaux

http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/12/24/les-entreprises-soignent-leur-e-reputation_1284616_3214.html

«Le coup est rude pour Eurostar. Du 18 au 21 décembre, des passagers hagards, furieux, ont déversé leur colère en direct sur les télévisions et dans les journaux du monde entier après les pannes de trains qui les ont parfois bloqués de longues heures dans le tunnel sous la Manche ou en pleine campagne, anglaise ou française.
Mais ces passagers ont aussi étalé leur acrimonie sur Internet, en des termes encore plus sévères. Et face à cet aspect de la crise, Eurostar, comme nombre d'entreprises, s'est sentie fort démunie.»...

http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/12/24/les-entreprises-soignent-leur-e-reputation_1284616_3214.html

Enquête
Les entreprises soignent leur e-réputation

Le coup est rude pour Eurostar. Du 18 au 21 décembre, des passagers hagards, furieux, ont déversé leur colère en direct sur les télévisions et dans les journaux du monde entier après les pannes de trains qui les ont parfois bloqués de longues heures dans le tunnel sous la Manche ou en pleine campagne, anglaise ou française. Mais ces passagers ont aussi étalé leur acrimonie sur Internet, en des termes encore plus sévères. Et face à cet aspect de la crise, Eurostar, comme nombre d'entreprises, s'est sentie fort démunie.


"On est préparés à parer à tout accident avec les médias traditionnels, dit un directeur de la communication, qui souhaite rester anonyme. Mais, aujourd'hui, en cas de sinistre industriel, on réalise qu'avec Facebook ou Twitter, on ne saura pas faire. On risque d'être débordés."


Depuis le 19 décembre, des milliers de messages ont été postés sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter pour critiquer l'entreprise Eurostar. Parfois en direct depuis un train en rade. Ou depuis les quais des gares, où amis et familles attendant un proche se sont relayés sur la Toile. Sur la page Facebook d'Eurostar, on pouvait ainsi lire, au milieu de quelques demandes d'informations sur l'état du trafic : "Pouvez-vous me faire parvenir le nom et l'adresse de votre cabinet d'avocats ?" ; "Je ferai de mon mieux pour qu'Eurostar souffre tellement de cette situation qu'elle soit conduite à la faillite."


La déferlante de critiques a pris Eurostar de court. C'est ce qu'a reconnu l'agence de communication We Are Social, appelée en catastrophe samedi 19 décembre pour prêter main-forte à son client. Jusqu'alors, elle n'avait mené que des opérations de marketing sur les réseaux sociaux. Depuis samedi, des salariés de l'agence travaillent avec les équipes de communication d'Eurostar à la gare de Saint-Pancras, à Londres, pour tenter de répondre aux interrogations et critiques des internautes clients.


Avant Eurostar, d'autres entreprises ont dû réagir promptement pour tenter de sauver leur e-reputation. Tout récemment, les sponsors de Tiger Woods - Accenture, Gillette, AT & T ou Pepsi - ont pris leurs distances avec le golfeur après avoir lu sur la Toile les commentaires hostiles et les attaques dont ils faisaient l'objet par ricochet. Auparavant, la Société générale a créé un poste de "responsable de protection de la marque" au sein de son service communication après avoir subi deux "attaques" sur le Net : pendant l'affaire Jérôme Kerviel - le trader accusé d'avoir causé une perte de 5 milliards d'euros ; puis quand des vidéos amateurs ridiculisant la banque sur la musique du feuilleton Dallas ont circulé des milliers de fois sur YouTube. Et toutes les entreprises, de la multinationale à la PME, redoutent de subir un jour une "blague" comme celle qui a atteint la chaîne Domino's Pizza aux Etats-Unis : en avril deux salariés ont posté sur YouTube des images d'eux-mêmes en train d'éternuer violemment sur une pizza ou de fourrer un doigt dans une autre avant de l'emballer et de la donner à un client.


Voilà peu, le potentiel "négatif" de ces nouveaux médias - 50 millions d'adeptes de Twitter, 350 millions pour Facebook et 1 milliard de vidéos visionnées chaque jour sur YouTube - était encore largement sous-estimé par les services de communication des entreprises. "Il y a quelques mois, on n'en parlait même pas, assure Gilles Galinier, directeur de la communication d'Arkema, premier groupe chimique français. C'est lorsque nous avons été alertés par nos agences de communication que nous avons décidé de mettre en place une veille sur Internet."


Plus les produits d'une entreprise sont proches du grand public, plus sa réflexion sur le bon usage des réseaux sociaux est aiguisée. A chaque incident sur son réseau, la SNCF sait bien qu'elle risque d'être emportée par la houle Internet. Contrairement à sa filiale Eurostar, elle s'est organisée. Elle a donc monté sa propre plate-forme Internet "Opinions et débat" : "Pour que la discussion ne se fasse plus en dehors de chez nous", dit Patrick Ropert, directeur de la communication digitale et interne de la SNCF. 16 000 personnes sont inscrites et 2 500 à 4 000 interventions sont répertoriées chaque jour.


La SNCF organise une veille permanente sur Internet. "Je me suis attaché à percevoir comment un bruit média évolue et à déceler un signal faible", explique Patrick Ropert. Il suffit qu'un usager ayant pignon sur blog critique la SNCF sur un problème de trafic pour qu'il se voie proposer une réponse circonstanciée par l'un ou l'autre des responsables techniques de la SNCF. Même la dérision est prise au sérieux. Il a suffi qu'un groupe de fans de 160 000 personnes sur Facebook propose de mettre la voix d'Homer Simpson (le héros du dessin animé Les Simpson) dans toutes les gares de la SNCF pour que l'entreprise, conseillée par l'agence publicitaire Duke, prenne la proposition au mot. "Et le 1er avril, on a diffusé les annonces dans les gares avec la voix d'Homer Simpson, avec en sus un film réalisé par la direction de la communication et diffusé sur YouTube", s'amuse M. Ropert.


La RATP, qui gère les bus et les métros parisiens, n'est pas en reste pour susciter des débats passionnés ou dérisoires. Elle a découvert un club de 300 000 "fans", "contre les cons qui restent à gauche sur les escalators". L'agence Human to Human effectue pour elle une veille du Net depuis 2005, suite aux attaques des commandos antipubs dans le métro.


"Les réseaux sociaux peuvent ne pas être subis seulement, on peut les travailler pour s'en sortir avec une image positive", souligne M. Ropert, le dirigeant de la communication digitale de la SNCF. "La première étape pour une entreprise est d'établir un service de veille par mots-clés et par analyse sémantique", précise Olivier Rippe, président de l'agence Proximity BBDO.

Des petites sociétés, comme Heaven, Vanksen ou Human to Human, se sont spécialisées dans l'analyse de l'e-reputation d'une marque ou d'une entreprise. Mais très vite, les grandes agences de relations publiques ont créé un département spécialisé pour répondre aux questions de leurs clients. L'enjeu : surveiller le bruit médiatique, analyser ce qui se dit, cartographier les publics et savoir réagir dès qu'une attaque ou une fausse information circule. "Lorsque le BicPhone a été lancé, des internautes avaient compris que ce téléphone mobile était jetable. En huit jours, nous avons réussi à rectifier le tir et éviter que ce faux bruit ne se propage", raconte Emmanuel Vivier, le patron de Vanksen.


Les entreprises ne font pas que défendre leur réputation et leurs intérêts sur les réseaux sociaux. Elle utilisent aussi cette caisse de résonance pour communiquer, influencer l'audience, dialoguer en direct avec le client. Certaines marques se contentent de créer des pages sur Facebook. D'autres montent des coups pour en tirer un bénéfice médiatique immédiat. La chaîne de fast-food Burger King aux Etats-Unis a ainsi proposé à chacun de "tuer ses amis" sur Facebook en échange d'un bon pour un hamburger. L'opération a eu un tel succès que Facebook a fini par demander à Burger King d'arrêter pour freiner l'hémorragie d'audience...


Pour les marques, les réseaux sociaux offrent également une nouvelle possibilité de mesurer leur cote d'amour. Le logiciel Windows 7 de Microsoft n'a que 4 000 fans déclarés sur Facebook en France, quand Coca-Cola, Nutella ou Converse réunissent chacune un, voire plusieurs millions d'aficionados dans le monde. Sans avoir rien suscité, le Club Med s'est découvert des fans, adeptes de la marque en général ou d'un club en particulier. L'agence Heaven lui a depuis créé une page officielle qui réunit près de 40 000 fans français, lesquels reçoivent les informations du Club, mais aussi des offres exclusives. L'agence a proposé le même service à Ferrero (Nutella), qui réunit 140 000 membres sur sa page.


Pour recruter des fans et profiter de l'effet bouche-à-oreille, très prisé des marques, les réseaux sociaux et plates-formes communautaires deviennent partie intégrante des stratégies de communication. Sur YouTube, le spot Roller Babies, pour Evian, vient de battre tous les records de diffusion d'une publicité sur Internet : il a été vu plus de 45 millions de fois. Quant à l'agence Buzzman, elle s'était fixé comme objectif de réunir 30 000 fans français sur Facebook avec l'opération Muchas Maracas pour une marque de déodorant. 450 000 fans, essentiellement des adolescents, se sont échangé le clip musical et ont participé au concours en envoyant leur propre vidéo sur le fond sonore proposé par la marque. Revers du succès, l'afflux coûte cher à l'agence, car tous les commentaires doivent être "modérés" pour éviter les dérapages.


Une fois les fans recrutés, encore faut-il savoir les garder. "Nous avons défini un planning éditorial avec Ferrero, pour savoir comment on leur parle, explique Arthur Kannas, cofondateur de l'agence Heaven. On voit immédiatement qui se désabonne, en fonction des messages que nous envoyons." La seule recette connue à ce jour : "Ne pas agacer, nos clients ne nous le pardonneraient pas", dit un porte-parole de SFR. Il ne sera sans doute pas démenti par les dirigeants d'Eurostar.

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