L’Etat, la peur et le citoyen

Publié le par Sécurisons les réseaux sociaux

[ 20/12/2009 - 16h01 ]
http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=3371
La mithridatisation, ça marche ! En ce qui concerne l’Etat en tous cas. Alors que depuis deux décennies on annonçait la mort lente de l’institution étatique par l’instillation progressive de la logique strictement marchande dans les organismes administratifs, la crise actuelle débouche au contraire sur une consolidation sans précédent de l’autorité des Etats. Tandis que l’imagerie du village global semblait faire l’unanimité dans les esprits au cours des années de croissance de la fin du XXème siècle, le tsunami bancaire intervenu depuis 2008 a clairement démontré que chaque entreprise concernée était parfaitement en mesure de s’identifier à un pays. Et leurs PDG, pourtant tous de grands praticiens de la mondialisation théorique, ont su faire appel aux finances publiques de leurs pays respectifs pour combler leurs brèches financières. Un patriotisme de nécessité qui balaie les interrogations passées sur les moyens à mettre en œuvre pour identifier la nationalité d’une entreprise. Quand un péril mortel survient, il semble donc que le guichet gouvernemental auquel il convient de demander de l’aide ne fait aucun doute à leurs yeux. Et que chaque conseil d’administration a parfaitement en tête la couleur de son passeport. Idem pour les stratégies à mettre en œuvre afin de pallier les effets désastreux de la crise. Même dans le modèle d’intégration qu’est l’Europe, ce sont bien des plans de relance essentiellement nationaux qui ont été conçus. Dans la tempête, c’est donc vers l’Etat que la collectivité nationale – opinion publique et entreprises- se tourne pour guetter une solution.

D’ailleurs, même quand il s’agit d’investissement, le cadre étatique national s’impose. Ainsi les gestionnaires de fonds envisagent peut-être les zones géographiques dans leur ensemble : Amérique, Europe, Asie… mais quand il s’agit de signer un chèque cela ne se fait qu’après avoir ausculté minutieusement les législations et spécificités nationales. Là encore, les Etats jouent un rôle déterminant pour rendre les entreprises présentes sur leur sol plus ou moins désirables. Evidemment, les gouvernements restent des interlocuteurs à part, puisque leurs mandants sont à la fois des contribuables et des électeurs. Ce qui signifie que leurs exigences ne se résument pas qu’aux seuls critères financiers que l’on peut satisfaire en prenant des décisions à court terme. C’est donc un effet bénéfique de cette crise internationale, et du climat de peur qu’elle engendre, que de constater la relative résistance des structures étatiques.

Reste désormais à en tirer parti. En dans ce domaine, la France cultive un certain retard. Puisque son élite des affaires est encore loin de revendiquer un patriotisme économique, qui semble pourtant parfaitement naturel à leurs équivalents britanniques ou étatsuniens. Ainsi, Washington peut s’appuyer sur un réseau de cadres et de dirigeants du secteur privé, les Business Executives for National Security (BENS), qui spontanément mettent leurs compétences professionnelles au service des Etats-Unis d’Amérique. Il s’avère que la France, grâce à la grande qualité de son enseignement supérieur, fait partie des pays qui a le plus de ses ressortissants dans les hautes sphères de la finance internationale. Il serait temps de considérer ce réseau comme un atout, et de concevoir au niveau gouvernemental une véritable stratégie pour le mobiliser en faveur des intérêts tricolores. Ce n’est peut-être pas historiquement dans notre culture, mais l’ampleur des enjeux justifie pleinement de sortir du carcan de nos habitudes. C’est avant tout une affaire de volonté politique.
NICOLAS ARPAGIAN

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